Louis Géraud, Responsable du développement des Compagnons du Devoir en Suisse
PORTRAIT DU MOIS : Depuis plus de neuf siècles, Les Compagnons du Devoir permettent à des jeunes de développer leurs compétences jusqu’à un haut niveau dans le métier qu’ils ont choisi. Le partage des connaissances et des savoir-faire, le voyage et la vie en communauté sont les fondamentaux des Compagnons du Devoir. Nous avons rencontré Louis Géraud, Responsable du développement des Compagnons du Devoir en Suisse, qui comptent de nombreux représentants dans le pays.
Au sein des Compagnons du devoir vous avez suivi la formation de couvreur (ferblantier en Suisse), pouvez-vous vous présenter en quelques mots et décrire votre parcours ?
J’ai 27 ans et suis originaire de la Drôme. J’ai toujours été bon élève et avais beaucoup de facilités pour les langues étrangères. A 16 ans, j’ai pu passer une année scolaire en immersion en Allemagne et ceci a éveillé en moi un goût prononcé pour le voyage. Ma scolarité poursuit son cours et je me retrouve bientôt sur les bancs de l’université à Lyon en Anthropologie, Histoire de l’art et Archéologie. Rien ne me destinait donc à me lancer dans un métier qu’on appelle avec un peu de mépris, « manuel ».
Au bout d’un an de faculté, je n’ai plus supporté ce monde étudiant, j’avais besoin d’apprendre la vie, le travail et l’effort, je voulais être un homme complet. Je me suis alors rappelé qu’à l’âge de 9 ans, lors d’une visite à Rocamadour, mon père me décrivait le travail de mon grand-père sur les toits de cette ville. Cela m’avait passionné, j’allais donc devenir couvreur-zingueur !
J’ai frappé à la porte des Compagnons du Devoir et je dois dire que l’apprentissage qu’ils proposaient me correspondait totalement. Voyage, savoir-faire, travail, communauté, valeurs, perfectionnement et savoir-être. Il n’en fallait pas plus pour que je commence mon « Tour de Monde » durant lequel, j’ai pu travailler, le cuivre, le zinc, l’ardoise, la tuile, … . Suite à ce voyage de 5 ans dans plusieurs villes et pays, les compagnons m’ont cru capable et digne d’endosser cette mission de développer notre association en Suisse. Bien que je ne pratique plus le métier, j’ai beaucoup plaisir à l’assumer, cela m’apporte énormément sur un plan de développement personnel et m’ouvre de nombreux horizons et divers projets pour le futur.
Les Compagnons du Devoir sont un exemple de l’excellence française en matière de formation. Vous avez accepté en 2016 la mission du développement en Suisse. Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les Compagnons du devoir et comment est organisée votre formation ? Combien y-a-t-il actuellement de Compagnons qui effectuent leur formation en Suisse romande et combien qui y sont installés ? Quels sont leurs spécialités ?
Les Compagnons du Devoir forment une association à but non lucratif qui a pour vocation la transmission des savoir-faire et des valeurs. Ce mode de transmission par le compagnonnage, est d’ailleurs reconnu depuis 2010 au patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO et ses racines remontent au Moyen-âge en Europe. L’Association Ouvrière des Compagnons de Devoir et du Tour de France (AOCDTF) permet la formation initiale et le perfectionnement dans 30 métiers du CAP à la Licence, du bâtiment aux matériaux souples en passant par les métiers du goût et de l’industrie. Elle siège aujourd’hui à la conférence des grandes écoles.
Le parcours classique d’un jeune chez les Compagnons du Devoir se déroule ainsi. On entre en apprentissage pour acquérir les bases techniques et théoriques du métier. Pendant cette période, on alterne entre travail à l’entreprise et pratique du métier au centre de formation. Le CAP obtenu, on choisit de démarrer son voyage de perfectionnement qu’on appelle « Tour de France » qui nous amène à vivre en communauté dans les maisons de compagnons avec les représentants d’autres métiers, on découvre alors les règles de savoir-être et les valeurs qui y sont liées. On est employé dans une entreprise de notre région d’accueil et l’on découvre les matériaux et savoir-faire locaux. Il est désormais obligatoire pour nos jeunes de passer une année à l’international sur notre parcours de formation, car l’apprentissage d’une nouvelle langue et l’immersion dans une culture différente est indispensable au bagage d’un compagnon.
On compte cette année en Suisse, 40 jeunes en perfectionnement et 80 compagnons qui se sont installés ici. Ils sont pour la plupart, charpentiers, menuisiers, ferblantier-couvreurs, plâtriers, constructeurs métallique, cordonniers, boulangers ou pâtissiers.
Quels conseils donnez-vous aux jeunes Compagnons qui viennent pour quelques mois de formation dans le cadre d’un de leurs stages à l’étranger ?
Nous organisons, pour nos jeunes, des journées de préparation au départ de longue durée à l’international. Pendant cette préparation, nous insistons sur le fait qu’ils deviennent des ambassadeurs de la France et de surcroit, des Compagnons du Devoir. Notre image hors des frontières dépend de notre comportement.
Nous les encourageons à faire preuve d’humilité et de modestie surtout dans les premières semaines et ce, quel que soit leur niveau d’expérience et de connaissance du métier. Cela est d’autant plus valable en Suisse où notre nationalité ne jouit pas d’une réputation des plus reluisantes.
Cette immersion à l’étranger les pousse à adopter un comportement exemplaire et respectueux des codes du pays. Dans un nouvel environnement nous n’avons plus nos repères et nos jeunes sont préparés à passer au-dessus les préjugés et à se laisser surprendre. Mais également, à sortir de leur zone de confort et faire le premier pas vers les autres. En résumé, cette expérience constitue un enrichissement des valeurs personnelles de nos jeunes, contribuant à en faire de meilleurs compagnons.
Plus d’informations sont disponibles sur le site : http://www.compagnons-du-devoir.ch/

Je m’appelle Lucie Benault, Serrurier-Métallier chez les Compagnons du Devoir, et en quatrième année d’itinérance sur mon Tour de France. Après un Baccalauréat scientifique, je suis entrée en apprentissage au CFA des Compagnons à Angers. Je suis ensuite allée à Strasbourg, à Nantes, et me voici en Suisse Romande pour mon expérience en dehors des frontières françaises.
La Serrurerie m’a attiré par le caractère malléable de l’acier. C’est une matière froide et solide, qui semble faite pour des choses massives, mais en fait c’est un matériau qui offre une diversité incroyable de possibilités d’application. L’éventail des ouvrages du serrurier-métallier comporte la menuiserie métallique, les escaliers, les portails, la charpente métallique, la ferronnerie… Un serrurier ne peut pas s’ennuyer, et tout particulièrement chez les Compagnons. Au cours de notre voyage, nous changeons d’entreprise, et donc de type de travail, de clientèle et d’exigence. L’entreprise où je travaille en Suisse m’a permis de commencer à travailler l’acier inoxydable.
J’ai choisi la Suisse pour les possibilités de formations professionnelles qu’elle offre. A mon arrivée, j’ai suivi des cours de soudure à l’Ifage, à Genève. Rien que pour le métier de serrurier, il y a beaucoup de formations proposées (soudure, polissage, dessin assisté par ordinateur, etc), et de nombreux autres domaines sont ouverts (dessins industriel, d’art, cours de langue, etc).
Outre son panel de formations, la Suisse offre un dépaysement total en matière de paysage (le lac au pied des montagnes, les campagnes enneigées, etc), d’architecture, de nourriture… Le réseau des transports suisses étant très bien tissé il est facile de parcourir le territoire. Je suis venue en Suisse avec pour projet de parcourir la Suisse et de me constituer un carnet de voyage (croquis, dessins, aquarelles, …) afin d’en voir le maximum et de développer mon coup de crayon, qui est tout aussi important pour mon métier. A ce jour, il me reste encore une bonne partie de la Suisse Allemande, et le Tessin à visiter. Je compte bien boucler mon tour de Suisse, avant de poursuivre mon Tour de France à Toulouse.